jeudi 21 mars 2013

"Nous devons voir de nouveau l’étendue du monde, le ciel et la terre et apprendre à utiliser tout cela de façon juste"

A l'occasion de sa visite au Reichstag de Berlin, siège du Parlement fédéral allemand, le 22 septembre 2011, le Pape Benoît XVI a prononcé un discours autour du droit et de la justice.


Pour une politique au service
du droit et de la justice


Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Président du Bundestag,
Madame la Chancelière fédérale,
Madame le Président du Bundesrat,
Mesdames et messieurs les Députés,

C’est pour moi un honneur et une joie de parler devant cette Chambre haute — devant le Parlement de ma patrie allemande, qui se réunit ici comme représentation du peuple, élue démocratiquement, pour travailler pour le bien de la République fédérale d’Allemagne. Je voudrais remercier Monsieur le Président du Bundestag pour son invitation à tenir ce discours, ainsi que pour les aimables paroles de bienvenue et d’appréciation avec lesquelles il m’a accueilli. En cette heure, je m’adresse à vous, Mesdames et Messieurs — certainement aussi comme compatriote qui se sait lié pour toute la vie à ses origines et suit avec intérêt le devenir de la Patrie allemande. Mais l’invitation à tenir ce discours m’est adressée en tant que Pape, en tant qu’Evêque de Rome, qui porte la responsabilité suprême pour la chrétienté catholique. En cela, vous reconnaissez le rôle qui incombe au Saint-Siège en tant que partenaire au sein de la communauté des Peuples et des Etats. Sur la base de ma responsabilité internationale, je voudrais vous proposer quelques considérations sur les fondements de l’Etat de droit libéral.

Vous me permettrez de commencer mes réflexions sur les fondements du droit par un petit récit tiré de la Sainte Ecriture. Dans le Premier Livre des Rois on raconte qu’au jeune roi Salomon, à l’occasion de son intronisation, Dieu accorda d’avancer une requête. Que demandera le jeune souverain en cet instant? Succès, richesse, une longue vie, l’élimination de ses ennemis? Il ne demanda rien de tout cela. Par contre il demanda: «Donne à ton serviteur un cœur docile pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal» (1 R 3, 9). Par ce récit, la Bible veut nous indiquer ce qui en définitive doit être important pour un politicien. Son critère ultime et la motivation pour son travail comme politicien ne doit pas être le succès et encore moins le profit matériel. La politique doit être un engagement pour la justice et créer ainsi les conditions de fond pour la paix. Naturellement un politicien cherchera le succès sans lequel il n’aurait aucune possibilité d’action politique effective! Mais le succès est subordonné au critère de la justice, à la volonté de mettre en œuvre le droit et à l’intelligence du droit. Le succès peut aussi être une séduction, et ainsi il peut ouvrir la route à la contrefaçon du droit, à la destruction de la justice. «Enlève le droit — et alors qu’est ce qui distingue l’Etat d’une grosse bande de brigands?» a dit un jour saint Augustin (De civitate Dei iv, 4, 1). Nous Allemands, nous savons par notre expérience que ces paroles ne sont pas un phantasme vide. Nous avons fait l’expérience de séparer le pouvoir du droit, de mettre le pouvoir contre le droit, de fouler aux pieds le droit, de sorte que l’Etat était devenu une bande de brigands très bien organisée, qui pouvait menacer le monde entier et le pousser au bord du précipice. Servir le droit et combattre la domination de l’injustice est et demeure la tâche fondamentale du politicien. A un moment historique où l’homme a acquis un pouvoir jusqu’ici inimaginable, cette tâche devient particulièrement urgente. L’homme est en mesure de détruire le monde. Il peut se manipuler lui-même. Il peut, pour ainsi dire, créer des êtres humains et exclure d’autres êtres humains du fait d’être des hommes. Comment reconnaissons-nous ce qui est juste? Comment pouvons-nous distinguer entre le bien et le mal, entre le vrai droit et le droit seulement apparent? La demande de Salomon reste la question décisive devant laquelle l’homme politique et la politique se trouvent aussi aujourd’hui.

Pour une grande partie des matières à réglementer juridiquement, le critère de la majorité peut être suffisant. Mais il est évident que dans les questions fondamentales du droit, où est en jeu la dignité de l’homme et de l’humanité, le principe majoritaire ne suffit pas: dans le processus de formation du droit, chaque personne qui a une responsabilité doit chercher elle-même les critères de sa propre orientation. Au troisième siècle, le grand théologien Origène a justifié ainsi la résistance des chrétiens à certains règlements juridiques en vigueur: «Si quelqu’un se trouvait chez les Scythes qui ont des lois irréligieuses, et qu’il fut contraint de vivre parmi eux... celui-ci certainement agirait de façon très raisonnable si, au nom de la loi de la vérité qui chez les Scythes est justement illégalité, il formerait aussi avec les autres qui ont la même opinion, des associations contre le règlement en vigueur...» (Contra Celsum GCS Orig. 428 [Koetschau]; cf. A. Fürst, Monotheismuis und Monarchie. Zum Zusammenhang von Heil und Herrschaft in der Antike. In: Theol. Phil. 81 [2006] 321-338; citation p. 336; cf. également J. Ratzinger, Die Einheit der Nationen. Eine Vision der Kirchenväter [Salzburg-München 1971] 60).
Sur la base de cette conviction, les combattants de la résistance ont agi contre le régime nazi et contre d’autres régimes totalitaires, rendant ainsi un service au droit et à l’humanité tout entière. Pour ces personnes il était évident de façon incontestable que le droit en vigueur était, en réalité, une injustice. Mais dans les décisions d’un politicien démocrate, la question de savoir ce qui correspond maintenant à la loi de la vérité, ce qui est vraiment juste et peut devenir loi, n’est pas aussi évidente. Ce qui, en référence aux questions anthropologiques fondamentales, est la chose juste et peut devenir droit en vigueur, n’est pas du tout évident en soi aujourd’hui. A la question de savoir comment on peut reconnaître ce qui est vraiment juste et servir ainsi la justice dans la législation, il n’a jamais été facile de trouver la réponse et aujourd’hui, dans l’abondance de nos connaissances et de nos capacités, cette question est devenue encore plus difficile.
Comment reconnaît-on ce qui est juste? Dans l’histoire, les règlements juridiques ont presque toujours été motivés de façon religieuse: sur la base d’une référence à la divinité on décide ce qui parmi les hommes est juste. Contrairement aux autres grandes religions, le christianisme n’a jamais imposé à l’Etat et à la société un droit révélé, ni un règlement juridique découlant d’une révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit — il a renvoyé à l’harmonie entre raison objective et subjective, une harmonie qui toutefois suppose le fait d’être toutes deux les sphères fondées dans la Raison créatrice de Dieu. Avec cela les théologiens chrétiens se sont associés à un mouvement philosophique et juridique qui s’était formé depuis le iie siècle av. J.C. Dans la première moitié du deuxième siècle préchrétien, il y eut une rencontre entre le droit naturel social développé par les philosophes stoïciens et des maîtres influents du droit romain (Cf. W. Waldstein, Ins Herz geschrieben. Das Naturrecht als Fundament einer menschlichen Gesellschaft [Augsburg 2010] 11ss; 31-61). Dans ce contact est née la culture juridique occidentale, qui a été et est encore d’une importance déterminante pour la culture juridique de l’humanité. De ce lien préchrétien entre droit et philosophie part le chemin qui conduit, à travers le Moyen-âge chrétien, au développement juridique des Lumières jusqu’à la Déclaration des Droits de l’homme et jusqu’à notre Loi Fondamentale allemande, par laquelle notre peuple, en 1949, a reconnu «les droits inviolables et inaliénables de l’homme comme fondement de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde».
Pour le développement du droit et pour le développement de l’humanité il a été décisif que les théologiens chrétiens aient pris position contre le droit religieux demandé par la foi dans les divinités, et se soient mis du côté de la philosophie, reconnaissant la raison et la nature dans leur corrélation comme source juridique valable pour tous. Saint Paul avait déjà fait ce choix quand, dans sa Lettre aux Romains, il affirmait: «Quand des païens privés de la Loi [la Torah d’Israël] accomplissent naturellement les prescriptions de la Loi,... ils se tiennent à eux-mêmes lieu de Loi; ils montrent la réalité de cette loi inscrite en leur cœur, à preuve le témoignage de leur conscience...» (2, 14s.). Ici apparaissent les deux concepts fondamentaux de nature et de conscience, où «conscience» n’est autre que le «cœur docile» de Salomon, la raison ouverte au langage de l’être. Si avec cela jusqu’à l’époque des Lumières, de la Déclaration des Droits de l’Homme après la seconde guerre mondiale et jusqu’à la formation de notre Loi Fondamentale, la question des fondements de la législation semblait claire, un dramatique changement de la situation est arrivé au cours du dernier demi-siècle. L’idée du droit naturel est considérée aujourd’hui comme une doctrine catholique plutôt singulière, sur laquelle il ne vaudrait pas la peine de discuter en dehors du milieu catholique, de sorte qu’on a presque honte d’en mentionner même seulement le terme. Je voudrais brièvement indiquer comment il se fait que cette situation se soit créée. Avant tout, la thèse selon laquelle entre l’être et le devoir être il y aurait un abîme insurmontable, est fondamentale. Du fait d’être ne pourrait pas découler un devoir, parce qu’il s’agirait de deux domaines absolument différents. La base de cette opinion est la conception positiviste, aujourd’hui presque généralement adoptée, de nature. Si on considère la nature — avec les paroles de Hans Kelsen — comme «un agrégat de données objectives, jointes les unes aux autres comme causes et effets», alors aucune indication qui soit en quelque manière de caractère éthique ne peut réellement en découler (Waldstein, op. cit. 15-21). Une conception positiviste de la nature, qui entend la nature de façon purement fonctionnelle, comme les sciences naturelles la reconnaissent, ne peut créer aucun pont vers l’ethos et le droit, mais susciter de nouveau seulement des réponses fonctionnelles. La même chose, cependant, vaut aussi pour la raison dans une vision positiviste, qui chez beaucoup est considérée comme l’unique vision scientifique. Dans cette vision, ce qui n’est pas vérifiable ou falsifiable ne rentre pas dans le domaine de la raison au sens strict. C’est pourquoi l’ethos et la religion doivent être assignés au domaine du subjectif et tombent hors du domaine de la raison au sens strict du mot. Là où la domination exclusive de la raison positiviste est en vigueur — et cela est en grande partie le cas dans notre conscience publique — les sources classiques de connaissance de l’ethos et du droit sont mises hors-jeu. C’est une situation dramatique qui nous concerne tous et sur laquelle un débat public est nécessaire; une intention essentielle de ce discours est d’y inviter d’urgence.
Le concept positiviste de nature et de raison, la vision positiviste du monde est dans son ensemble une partie importante de la connaissance humaine et de la capacité humaine, à laquelle nous ne devons absolument pas renoncer. Mais elle-même dans son ensemble n’est pas une culture qui corresponde et soit suffisante au fait d’être homme dans toute son ampleur. Là où la raison positiviste s’estime comme la seule culture suffisante, reléguant toutes les autres réalités culturelles à l’état de sous-culture, elle réduit l’homme, ou même, menace son humanité. Je le dis justement en ce qui concerne l’Europe, dans laquelle de vastes milieux cherchent à reconnaître seulement le positivisme comme culture commune et comme fondement commun pour la formation du droit, alors que toutes les autres convictions et les autres valeurs de notre culture sont réduites à l’état d’une sous-culture. Avec cela l’Europe se place, face aux autres cultures du monde, dans une condition de manque de culture et suscite dans le même temps des courants extrémistes et radicaux. La raison positiviste, qui se présente de façon exclusiviste et n’est pas en mesure de percevoir quelque chose au-delà de ce qui est fonctionnel, ressemble à des édifices de béton armé sans fenêtres, où nous nous donnons le climat et la lumière tout seuls et nous ne voulons plus recevoir ces deux choses du vaste monde de Dieu. Toutefois nous ne pouvons pas nous imaginer que dans ce monde auto-construit nous puisons en secret également aux «ressources» de Dieu, que nous transformons en ce que nous produisons. Il faut ouvrir à nouveau tout grand les fenêtres. Nous devons voir de nouveau l’étendue du monde, le ciel et la terre et apprendre à utiliser tout cela de façon juste.

Mais comment cela se réalise-t-il? Comment trouvons-nous l’entrée dans l’étendue, dans l’ensemble? Comment la raison peut-elle retrouver sa grandeur sans glisser dans l’irrationnel? Comment la nature peut-elle apparaître de nouveau dans sa vraie profondeur, dans ses exigences et avec ses indications? Je rappelle un processus de la récente histoire politique, espérant ne pas être trop mal compris ni susciter trop de polémiques unilatérales. Je dirais que l’apparition du mouvement écologique dans la politique allemande à partir des années soixante-dix, bien que n’ayant peut-être pas ouvert tout grand les fenêtres, a toutefois été et demeure un cri qui aspire à l’air frais, un cri qui ne peut pas être ignoré ni être mis de côté, parce qu’on y entrevoit trop d’irrationalité. Des personnes jeunes s’étaient rendu compte qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas dans nos relations avec la nature; que la matière n’est pas seulement un matériel que nous pouvons utiliser, mais que la terre elle-même porte en elle sa propre dignité et que nous devons suivre ses indications. Il est clair que je ne fais pas ici de la propagande pour un parti politique déterminé — rien ne m’est plus étranger que cela. Quand, dans notre relation avec la réalité, il y a quelque chose qui ne va pas, alors nous devons tous réfléchir sérieusement sur l’ensemble et nous sommes tous renvoyés à la question des fondements de notre culture elle-même. Qu’il me soit permis de m’arrêter encore un moment sur ce point. L’importance de l’écologie est désormais indiscutable. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est — me semble-t-il — largement négligé: il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine.

Revenons aux concepts fondamentaux de nature et de raison d’où nous étions partis. Le grand théoricien du positivisme juridique, Kelsen, à l’âge de 84 ans — en 1965 — abandonna le dualisme d’être et de devoir être (Cela me console qu’à 84 ans, on puisse encore penser correctement). Il avait dit auparavant que les normes peuvent découler seulement de la volonté. En conséquence, la nature pourrait renfermer en elle des normes seulement — ajouta-t-il — si une volonté avait mis en elle ces normes. D’autre part, disait-il, cela présupposerait un Dieu créateur, dont la volonté s’est introduite dans la nature. «Discuter sur la vérité de cette foi est une chose absolument vaine», note-t-il à ce sujet (Cfr. W. Waldstein, op. cit. 19). L’est-ce vraiment? — voudrais-je demander. Est-ce vraiment privé de sens de réfléchir pour savoir si la raison objective qui se manifeste dans la nature ne suppose pas une Raison créatrice, un Creator Spiritus?
A ce point le patrimoine culturel de l’Europe devrait nous venir en aide. Sur la base de la conviction de l’existence d’un Dieu créateur se sont développées l’idée des droits de l’homme, l’idée d’égalité de tous les hommes devant la loi, la connaissance de l’inviolabilité de la dignité humaine en chaque personne et la conscience de la responsabilité des hommes pour leur agir. Ces connaissances de la raison constituent notre mémoire culturelle. L’ignorer ou la considérer comme simple passé serait une amputation de notre culture dans son ensemble et la priverait de son intégralité. La culture de l’Europe est née de la rencontre entre Jérusalem, Athènes et Rome — de la rencontre entre la foi dans le Dieu d’Israël, la raison philosophique des Grecs et la pensée juridique de Rome. Cette triple rencontre forme l’identité profonde de l’Europe. Dans la conscience de la responsabilité de l’homme devant Dieu et dans la reconnaissance de la dignité inviolable de l’homme, de tout homme, cette rencontre a fixé des critères du droit, et les défendre est notre tâche en ce moment historique.

Au jeune roi Salomon, au moment de son accession au pouvoir, une requête a été accordée. Qu’en serait-il si à nous, législateurs d’aujourd’hui, était concédé d’avancer une requête? Que demanderions-nous? Je pense qu’aujourd’hui aussi, en dernière analyse, nous ne pourrions pas désirer autre chose qu’un cœur docile — la capacité de distinguer le bien du mal et d’établir ainsi le vrai droit, de servir la justice et la paix. Je vous remercie pour votre attention.

mardi 19 mars 2013

Messe d'intronisation du Pape François : "Gardons avec amour ce que Dieu nous a donné !"






Homélie du Pape François prononcée sur la Place Saint-Pierre lors de la messe solennelle d'inauguration de son Pontificat, le mardi 19 mars 2013 (solennité de Saint Joseph).

"Comment Joseph exerce-t-il cette garde ? Avec discrétion, avec humilité, dans le silence, mais par une présence constante et une fidélité totale, même quand il ne comprend pas. Depuis son mariage avec Marie jusqu'à l'épisode de Jésus, enfant de douze ans, dans le Temple de Jérusalem, il accompagne chaque moment avec prévenance et avec amour. Il est auprès de Marie son épouse dans les moments sereins et dans les moments difficiles de la vie, dans le voyage à Bethléem pour le recensement et dans les heures d'anxiété et de joie de l'enfantement ; au moment dramatique de la fuite en Égypte et dans la recherche inquiète du fils au Temple ; et ensuite dans le quotidien de la maison de Nazareth, dans l'atelier où il a enseigné le métier à Jésus.

Comment Joseph vit-il sa vocation de gardien de Marie, de Jésus, de l'Église ? Dans la constante attention à Dieu, ouvert à ses signes, disponible à son projet, non pas tant au sien propre ; et c'est cela que Dieu demande à David, comme nous l'avons entendu dans la première Lecture : Dieu ne désire pas une maison construite par l'homme, mais il désire la fidélité à sa Parole, à son dessein ; c'est Dieu lui-même qui construit la maison, mais de pierres vivantes marquées de son Esprit. Et Joseph est « gardien », parce qu'il sait écouter Dieu, il se laisse guider par sa volonté, et justement pour cela il est encore plus sensible aux personnes qui lui sont confiées, il sait lire avec réalisme les événements, il est attentif à ce qui l'entoure, et il sait prendre les décisions les plus sages. En lui, chers amis, nous voyons comment on répond à la vocation de Dieu, avec disponibilité, avec promptitude, mais nous voyons aussi quel est le centre de la vocation chrétienne : le Christ ! Nous gardons le Christ dans notre vie, pour garder les autres, pour garder la création !

La vocation de garder, cependant, ne nous concerne pas seulement nous les chrétiens, elle a une dimension qui précède et qui est simplement humaine, elle concerne tout le monde. C'est le fait de garder la création tout entière, la beauté de la création, comme il nous est dit dans le Livre de la Genèse et comme nous l'a montré saint François d'Assise : c'est le fait d'avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour l'environnement dans lequel nous vivons. C'est le fait de garder les gens, d'avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants, des personnes âgées, de celles qui sont plus fragiles et qui souvent sont dans la périphérie de notre cœur. C'est d'avoir soin l'un de l'autre dans la famille : les époux se gardent réciproquement, puis comme parents ils prennent soin des enfants et avec le temps aussi les enfants deviennent gardiens des parents. C'est le fait de vivre avec sincérité les amitiés, qui sont une garde réciproque dans la confiance, dans le respect et dans le bien. Au fond, tout est confié à la garde de l'homme, et c'est une responsabilité qui nous concerne tous. Soyez des gardiens des dons de Dieu !

Et quand l'homme manque à cette responsabilité, quand nous ne prenons pas soin de la création et des frères, alors la destruction trouve une place et le cœur s'endurcit. À chaque époque de l'histoire, malheureusement, il y a des « Hérode » qui trament des desseins de mort, détruisent et défigurent le visage de l'homme et de la femme.

Je voudrais demander, s'il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes « gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l'autre, de l'environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! Mais pour « garder » nous devons aussi avoir soin de nous-mêmes ! Rappelons-nous que la haine, l'envie, l'orgueil souillent la vie ! Garder veut dire alors veiller sur nos sentiments, sur notre cœur, parce que c'est de là que sortent les intentions bonnes et mauvaises : celles qui construisent et celles qui détruisent ! Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même pas non plus de la tendresse !

Et ici j'ajoute alors une remarque supplémentaire : le fait de prendre soin, de garder, demande bonté, demande d'être vécu avec tendresse. Dans les Évangiles, saint Joseph apparaît comme un homme fort, courageux, travailleur, mais dans son âme émerge une grande tendresse, qui n'est pas la vertu du faible, mais au contraire, dénote une force d'âme et une capacité d'attention, de compassion, de vraie ouverture à l'autre, d'amour. Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse !

Aujourd'hui, en même temps que la fête de saint Joseph, nous célébrons l'inauguration du ministère du nouvel Évêque de Rome, Successeur de Pierre, qui comporte aussi un pouvoir. Certes, Jésus Christ a donné un pouvoir à Pierre, mais de quel pouvoir s'agit-il ? À la triple question de Jésus à Pierre sur l'amour, suit une triple invitation : sois le pasteur de mes agneaux, sois le pasteur de mes brebis. N'oublions jamais que le vrai pouvoir est le service et que le Pape aussi pour exercer le pouvoir doit entrer toujours plus dans ce service qui a son sommet lumineux sur la Croix ; il doit regarder vers le service humble, concret, riche de foi, de saint Joseph et comme lui, ouvrir les bras pour garder tout le Peuple de Dieu et accueillir avec affection et tendresse l'humanité tout entière, spécialement les plus pauvres, les plus faibles, les plus petits, ceux que Matthieu décrit dans le jugement final sur la charité : celui qui a faim, soif, est étranger, nu, malade, en prison (cf. Mt 25, 31-46). Seul celui qui sert avec amour sait garder !

Dans la deuxième Lecture, saint Paul parle d'Abraham, qui « espérant contre toute espérance, a cru » (Rm 4, 18). Espérant contre toute espérance ! Aujourd'hui encore devant tant de traits de ciel gris, nous avons besoin de voir la lumière de l'espérance et de donner nous-mêmes espérance. Garder la création, tout homme et toute femme, avec un regard de tendresse et d'amour, c'est ouvrir l'horizon de l'espérance, c'est ouvrir une trouée de lumière au milieu de tant de nuages, c'est porter la chaleur de l'espérance ! Et pour le croyant, pour nous chrétiens, comme Abraham, comme saint Joseph, l'espérance que nous portons a l'horizon de Dieu qui nous a été ouvert dans le Christ, est fondée sur le rocher qui est Dieu.

Garder Jésus et Marie, garder la création tout entière, garder chaque personne, spécialement la plus pauvre, nous garder nous-mêmes : voici un service que l'Évêque de Rome est appelé à accomplir, mais auquel nous sommes tous appelés pour faire resplendir l'étoile de l'espérance : gardons avec amour ce que Dieu nous a donné !

Je demande l'intercession de la Vierge Marie, de saint Joseph, des saints Pierre et Paul, de saint François, afin que l'Esprit Saint accompagne mon ministère et je vous dis à tous : priez pour moi ! Amen."


© Copyright 2013 - Libreria Editrice Vaticana

lundi 18 mars 2013

Libéralisation de la recherche sur l'embryon : vers une rupture majeure avec nos principes de droit




Tribune libre de Pierre-Olivier Arduin, directeur de la Commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon. A lire aussi sur libertepolitique.fr

Après le Sénat en décembre dernier, l’Assemblée nationale s’apprête à adopter le 28 mars prochain la proposition de loi libéralisant la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Une décision idéologique qui relève du négationnisme scientifique et éthique, constitue une rupture majeure avec nos principes de droit, réduit l’embryon humain à un vulgaire matériel d’expérimentation et signe la fin de la bioéthique.

Il aura suffi de deux petites heures dans la nuit du 4 au 5 décembre 2012 pour que le Sénat raye d’un trait de plume ce qui restait de dispositions protectrices à l’égard de l’embryon humain dans notre système juridique et balaye les deux années d’auditions parlementaires, consultations d’experts et débats citoyens qui avaient débouché sur le maintien de l’interdit de principe dans la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

Profitant d’une niche parlementaire, le Parti radical de gauche à l’origine de la proposition de loi votée en première lecture par les sénateurs est parvenu à la mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée le 28 mars prochain. Espérant un vote éclair comme au palais du Luxembourg,  la majorité soutenue par l’exécutif veut faire passer dans les plus brefs délais le régime actuel d’interdiction de la recherche assorti de dérogations à un régime d’autorisation.

Comme le déplore Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme-Lejeune, qui tente par tous les moyens de mobiliser pour contrer cette fuite en avant, « la première réforme de société votée par la nouvelle majorité ne sera pas le mariage homosexuel mais la recherche sur l’embryon humain [1]» (cf. http://www.vous-trouvez-ca-normal.com). Une transgression annoncée de longue date par le chef de l’État qui s’était engagé pendant la campagne présidentielle à faire sauter les derniers garde-fous protégeant l’embryon humain.

Jusqu’ici a toujours prévalu l’article 16 du Code civil garantissant « le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », dont la portée explique pourquoi les autorisations de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires n’ont jamais été que des dérogations, accordées au cas par cas, à l’interdit de principe. C’est parce que le respect de l’embryon in vitro a toujours été interprété comme une exigence découlant de notre ordre juridique que le législateur a intégré dès les premières lois de bioéthique de 1994 ce principe d’interdiction et l’a reconduit lors des deux révisions de 2004 et 2011, même s’il a été alors écorné par l’octroi de dérogations.

Le passage à un régime de libéralisation traduit donc un renversement radical de perspective où pour la première fois, « le principe de protection de la vie de l’être humain va devenir une exception [2]», ce qui ne s’était jamais vu, même pas dans le cadre de la loi dépénalisant l’IVG.

Ce bouleversement radical sur le plan symbolique est perpétré dans un mépris complet de la science et de l’éthique.


Mépris de la science

Mépris de la science d’abord dont les résultats en matière de travaux sur les cellules souches sont volontairement ignorés et manipulés au nom de ce qui peut s’apparenter à un négationnisme des faits. Les cellules souches embryonnaires ont douché tous les espoirs au point que celui qui les a isolées en 1998, le professeur américain James Thomson, a renoncé à en faire une priorité de ses recherches. En quinze ans, aucun patient dans le monde n’a jamais été traité avec ces cellules, et pour cause, il n’y a jamais eu aucun essai clinique digne de ce nom qui ait pu être mené chez l’homme de manière concluante. Comment oser, contre l’évidence des faits, soutenir avec aplomb dans l’exposé des motifs de la proposition de loi que « l’interdiction de principe, même assortie de dérogations éventuelles, est préjudiciable aux malades » ou que « la recherche sur les cellules souches embryonnaires est porteuse d’espoir » ? Au moins les auteurs de ce texte sont-ils en bonne place pour obtenir le prix Lyssenko de la désinformation scientifique.

Ce déni apparaît d’autant plus inconcevable que la révolution scientifique et médicale des cellules souches adultes reprogrammées – les fameuses cellules souches induites iPS – ne peut plus être occultée depuis que son inventeur, le professeur nippon Shinya Yamanaka s’est vu décerner le prestigieux prix Nobel de Médecine 2012. Le Japon a annoncé sa volonté de se doter de l’une des plus grandes banques au monde de lignées de cellules souches iPS. Il aura par ailleurs fallu moins de six ans depuis la mise au point de cette technique pour que soit lancé au pays du Soleil levant le premier essai clinique d’un traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge avec des cellules iPS.

Le potentiel de ces cellules est tel qu’après qu’une fondation américaine parrainée par les plus grands chefs d’entreprise des États-Unis a décidé le 27 février dernier d’octroyer un prix de 3 millions de dollars à Yamanaka, Harvard, l’une des premières universités au monde dans le domaine de la recherche sur les sciences de la vie, a crée un institut spécialement dédié aux travaux sur les iPS. Quand une poignée de parlementaires de gauche, aveuglés par leurs propres « croyances » au point d’ignorer les évolutions spectaculaires dans le champ des thérapies cellulaires, viennent nous dire que la France est en retard sur le reste du monde du fait des restrictions en matière de recherche sur l’embryon, on croit rêver. La vérité, c’est que l’absence de vision de la majorité dans les sciences du vivant est en train de faire perdre des années à nos chercheurs hexagonaux, déjà distancés sur le plan international pour ne pas avoir pris le train des iPS en marche.


La gauche invente le statut infra-humain

Si la majorité se moque de la science, elle s’assoit allègrement sur l’éthique, autrement dit sur le respect de la dignité humaine. Les plus récentes acquisitions de la biologie montrent sans la moindre contestation que l’embryon humain est le point de l’espace et du temps où un nouvel être humain débute son propre cycle vital, construisant sa propre forme, moment après moment, de manière autonome et sans aucune discontinuité. La réalité de l’être humain, tout au long de son existence, avant et après sa naissance, ne permet d’affirmer ni un changement de nature, ni une gradation de la valeur morale.

La conséquence immédiate du changement de paradigme opéré par la gauche est la construction artificielle d’un statut infra-humain de l’embryon. S’érigeant en tribunal révolutionnaire, elle congédie arbitrairement l’embryon de l’humanité pour le réduire à un amas de cellules. L’être humain à peine conçu est réduit à un vulgaire matériau d’expérimentation et à un gisement de cellules livré aux appétits financiers de quelques lobbies « scientistes ». Il est vrai que l’embryon humain à l’avantage d’être un « cobaye gratuit » contrairement aux embryons animaux, très onéreux et ultra-protégés par le droit communautaire européen.

Même les mécanismes « procéduraux » mis en place par le précédent législateur obligeant à l’organisation d’un débat public avant toute modification de la loi relative à la bioéthique ne trouvent grâce aux yeux de la majorité. L’article L. 1512-1-1 du Code de la santé publique dispose pourtant que « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques […] soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux ». Mais de ce dispositif de « démocratie citoyenne », la majorité n’en a cure, obstinée qu’elle est à faire triompher la vérité du parti sur la vérité scientifique.

Au final, c’est l’idée même de bioéthique, déjà malmenée par les partisans de compromis, qui vole en éclat. Forgé par la réunion du préfixe « bio » et du suffixe « éthique », le terme montre bien que la réflexion morale appliquée aux progrès biomédicaux sur la vie humaine doit d’une part prendre en compte de manière rigoureuse les faits scientifiques (le « bio ») et d’autre part la dignité humaine au fondement de l’« éthique ».

De cette interaction entre le champ médical et scientifique pris dans son intégralité et l’éthique avec son principe cardinal de protection de la dignité découle un jugement sur la légitimité morale ou non de tel ou tel protocole, de telle ou telle décision. En réécrivant les données scientifiques selon son bon vouloir et en rejetant tout discours de nature éthique, la majorité est sur le point de vider de sa substance la signification même de la bioéthique qui dès lors ne veut plus rien dire.


Pour avoir plus d'informations et agir contre la libéralisation de la recherche sur l'embryon, rendez vous sur le site de la Fondation Jérôme Lejeune et sur leur mini-site dédié à cette thématique.


samedi 16 mars 2013

Les juristes mobilisés contre le "mariage pour tous"


Plusieurs juristes de différentes facultés françaises, dont celle d'Aix-Marseille, inquiets d'un "marché des enfants", ont adressé une lettre aux sénateurs afin d'afficher clairement leur opposition au projet de loi :

Mesdames les sénatrices,

Messieurs les sénateurs,

Nous, soussignés 170 professeurs et maîtres de conférences en droit des Universités françaises, juristes de droit privé, de droit public et historiens du droit, il nous appartient de vous faire savoir que le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, implique un bouleversement profond du Droit, du mariage et, surtout, de la parenté.

Nous vous invitons à faire échec à ce projet pour les raisons qui suivent.

1) Les personnes du même sexe, par le mariage, vont avoir accès à l’adoption sans qu’aucune modification des textes ne soit nécessaire. Pourtant, si les liens affectifs qui peuvent se nouer avec l’enfant peuvent être tout à fait réels, il faut bien comprendre que ces liens ne correspondent pas à des liens de filiation.

La filiation découle de l’acte de naissance qui, comme son nom l’indique, dit à chacun de qui il est né. Dans le cas de l’adoption, l’engendrement de l’enfant est symbolique, mais la filiation adoptive permet à l’enfant de se construire par référence à un père et une mère, et de se penser comme issu de leur union même s’il ne l’est pas biologiquement. Elle lui permet de reconstituer la famille dont il a été privé.

L’enfant adopté par deux hommes ou deux femmes sera doté d’éducateurs, d’adultes référents, mais privé de parents car ces « parents » de même sexe ne peuvent lui indiquer une origine, même symbolique. Il sera en réalité deux fois privé de parents : une première fois par la vie, une seconde fois par la loi.

2) Le projet de loi, ensuite, prévoit l’adoption de l’enfant du conjoint de même sexe. Or, si cet enfant peut être issu d’une union précédente entre un homme et une femme, il sera le plus souvent issu d’une insémination ou d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger. Cet enfant aura donc été voulu, avant même sa conception, sans lien avec ses père et mère et volontairement privé de l’un d’entre eux.

Cet enfant est juridiquement adoptable parce qu’il a été conçu pour cela : la mère s’est fait inséminer en Belgique, par exemple, par un inconnu afin d’éviter le père. Elle a choisi un mode de conception privant l’enfant de son père, et même tout simplement de père, pour qu’il puisse être adopté par une deuxième femme.

Ou encore, le père a cherché une mère porteuse en Inde, par exemple, pour ne pas s’encombrer d’une mère, privant délibérément son enfant de sa mère, et de mère tout court, pour qu’il puisse être adopté par un deuxième homme.

Qu’on le veuille ou non, le désir d’enfant de personnes de même sexe passe par la fabrication d’enfants, qui seront ensuite adoptables, par insémination artificielle pour les femmes ou par le biais d’une mère porteuse pour les hommes.

Le projet de loi organise donc un marché des enfants, car il le suppose et le cautionne. En l’état, ce texte invite à aller fabriquer les enfants à l’étranger, ce qui est déjà inacceptable, enattendant de dénoncer l’injustice de la sélection par l’argent pour organiser le marché des enfants en France.

La loi ne peut certes pas empêcher un homme ou une femme d’aller à l’étranger priver délibérément son enfant d’un de ses parents, mais elle a mieux à faire pour les enfants que d’encourager ces bricolages procréatifs en les validant par des artifices juridiques !

La nécessité supposée de prendre en compte la situation particulière des enfants nés selon de tels procédés est une argutie. Ces enfants sont en réalité instrumentalisés par ceux-là mêmes qui ont provoqué leur situation, au soutien de leurs propres revendications d’adultes. En effet, le droit protège tous les enfants, sans tenir compte de la situation de leurs parents, et ces enfants ne sont pas moins bien traités que les autres. Les moyens juridiques de l’autorité parentale et de la tutelle testamentaire permettent de régler les difficultés éventuelles qu’ils pourraient rencontrer.

De nombreux hommes et femmes, qui ont un désir homosexuel, ne dénient pas cette donnée fondamentale qu’un enfant est issu d’un père et d’une mère et qu’il est criminel de l’en priver volontairement. Beaucoup ont d’ailleurs des enfants mais, comme tout un chacun, avec une personne du sexe opposé. Le projet de loi ne concerne que des femmes qui veulent avoir un enfant sans s’ « encombrer » d’un père, ou des hommes qui ne veulent pas avoir à « partager » l’enfant avec une mère, faisant ainsi primer leurs désirs sur les droits fondamentaux de l’enfant.

Vous, législateur de la République, ne pouvez valider un système de fabrication d’enfants adoptables, car les enfants ne sont ni des objets pour satisfaire un désir, ni des médicaments pour soulager une souffrance.

Juristes, nous avons vocation à veiller au respect des libertés individuelles et à la protection par le droit des personnes les plus vulnérables. Nous ne pouvons rester insensibles à la grande violence faite aux enfants, délibérément privés d’une mère ou d’un père. Nous ne pouvons nous taire devant l’inéluctable marché de la procréation à venir, la marchandisation du ventre des femmes les plus précaires et des enfants fabriqués pour satisfaire les désirs dont ils sont l’objet.

Le projet de loi ne peut qu’être rejeté dans son ensemble car le mariage emporte nécessairement toutes ces conséquences en matière de filiation.

Il sera donc tout à votre honneur, Mesdames qui êtes nos sénatrices, Messieurs qui êtes nos sénateurs et qui nous représentez, de renoncer à un texte qui se révèle celui de l’esclavage moderne des femmes et de la nouvelle traite des enfants !

Avec tous nos remerciements pour l’engagement qui sera, nous n’en doutons pas, le vôtre dans la défense des familles et des enfants recevez, Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs de la République, l’expression de nos sentiments bien dévoués

vendredi 15 mars 2013

HABEMUS PAPAM !




Tribune libre du père Cédric Burgun, prêtre de la Communauté de l’Emmanuel pour le diocèse de Metz, enseignant-chercheur en droit canonique à l’Institut catholique de Paris. A découvrir sur libertepolitique.com

La fumée blanche est apparue vers 19h. Une heure, le cardinal français Jean-Louis Tauran, proto-diacre, est apparu au balcon de la Loggia, sur la façade de la basilique St-Pierre pour annoncer le nom du nouveau pape : le cardinal Bergoglio, prenant le nom de François, est devenu le 266e pape, après un conclave de deux jours et cinq scrutins.

Né le 17 décembre 1936, dans le quartier de Flores, et ayant fait des études de technicien en chimie, il s’oriente vers le sacerdoce et s’engage chez les jésuites. Il étudie la philosophie et la théologie à l’Université Máximo San José. Il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969, puis archevêque de Buenos Aires le 28 février 1998. Jean-Paul II le créé cardinal le 21 février 2001.

Que dire de la relative rapidité du conclave ?

Durant le XXe siècle et jusqu’à nos jours, la moyenne des conclaves pour une élection est entre sept et huit scrutins. En 1939,  Pie XII avait été élu le plus rapidement en deux jours seulement et trois scrutins. En 1958, Jean XXIII fut élu enquatre jours et 11 scrutins. En 1963, le conclave dura 3 jours, et Paul VI fut choisi au bout de six scrutins.

En 1978, le premier conclave de cette année-là vit l’élection de Jean-Paul Ier, seulement au bout de deux jours et quatre scrutins. Le second conclave de 1978, en octobre, dura trois jours et huit scrutins. Ce fut l’élection de Jean-Paul II. En 2005, enfin, Benoît XVI fut élu Pape au quatrième scrutin (un le soir, deux le matin et un l’après-midi du second jour) d'un conclave éclair qui dura deux jours seulement.

Ici, le conclave démarra le mardi 12 mars (avec un seul scrutin le mardi soir), et cinq scrutins jusqu’à l’élection du mercredi soir. C’est donc un conclave que l’on dit relativement court qui s’est déroulé devant près de 5000 journalistes qui trépignaient dans l’attente de la fameuse fumée blanche. Mais — parce qu’il y a un « mais » — ce conclave n’est pas si court qu’on le dit. En effet, les cardinaux ont eu près de huit jours de congrégations générales. Habituellement, lors de la vacance, il y a aussi les funérailles du Saint-Père à organiser et qui prennent du temps. Ici, nous avons eu une semaine pleine de débats, de discussions et de rencontres. Le porte-parole du Vatican annonçait la semaine dernière plus de 150 interventions par congrégation ! Cela dit l’importance des débats et des discussions sans compter les discussions de « couloir ».

Ces congrégations générales, qui se tinrent du lundi 4 au lundi 11 mars, et le temps qu’il a fallu pour décider de la date d’entrée en conclave, montrent la richesse en débat, en prise de position, et en prière aussi. Le temps de l’Église ne sera jamais le temps du monde ! Il y avait eu comme une course à l’emballement médiatique. Contre toute attente, les cardinaux avaient choisi de prendre leur temps avant de se lancer dans le conclave.

Ce pape a bien été choisi, voulu, et bien discerné ! Il a été, pour chacun, une réelle surprise qui a, une fois de plus, fait mentir tous les pronostics, les journalistes, et les « vaticanistes » auquel vous me permettrez, non sans quelque fierté (pour l’Esprit Saint !), de qualifier de « soi-disant » ! Personne ne l’avait vu venir … La Providence nous surprendra toujours.



Les dossiers chauds du nouveau pape

L’Église est conduite par le Christ. Il est vrai que notre nouveau pape François devra de saisir de nombreux dossiers. La réforme du gouvernement et de la curie sera un dossier très épais ! On ne peut nier que nos structures ecclésiastiques ont bien du mal à faire face à tous les défis qui attendent l’Église. Mais cette réforme n’est sans doute pas première. Le monde médiatique dans lequel nous sommes entrés nécessite que l’on apprenne à parler son langage. Jésus s’exprimait avec des paraboles, des images, et des discours simples. Quel langage simple et facile d’accès pour les hommes de notre temps ? Il sera donc question, plus que jamais, de l’actualisation de la Parole de Dieu, de sa simplicité et de sa force : la rendre présente et accessible à nos sociétés modernes, à l’heure des réseaux sociaux et du tout-médiatique.

Notre nouveau Pape aura aussi un autre défi : le langage de l’Église ne peut pas se réduire à un langage moral ! Le pontificat du bienheureux Jean-Paul II fut très imprégné de la morale chrétienne : les défis étaient nombreux et nous étions dans la droite ligne, y compris dans l’Église, de la mouvance de la crise de 1968. Benoît XVI, même s’il est encore trop tôt pour faire le bilan de son pontificat, a voulu nous recentrer dans l’intériorité propre à notre foi : intériorité de la prière, de la liturgie, de communion avec Dieu.

Or, aujourd’hui, il est assez facile pour les pasteurs d’avoir un discours plus moral que théologal. Dire ce que l’on doit faire avant de dire Dieu lui-même. Benoit XVI, sans l’opposer à Jean-Paul II, mais dans la continuité, nous a largement fait méditer sur Dieu lui-même.

Avec l’élection du pape François, nous en avons eu un bel exemple : un pape simple, qui se présente à ses frères et à ses sœurs, loin du poids du protocole, mais humblement en demandant la prière de ses frères. Il est vrai que cela aura pu troubler certains chrétiens. Que vont devenir la liturgie, les codes, le protocole ? La messe d’intronisation s’annonce d’ores et déjà simplifiée. Sur quoi ? Nul ne le sait ! Mais ce que l’on sait, c’est que le pape François (j’ai déjà envie, en référence au bon pape Jean, de l’appeler le « bon François »), en tous cas, a la volonté de se présenter non pas comme le chef d’une organisation toute puissante, mais comme un humble serviteur de la vérité de l’Évangile.

Un peu de recul : la vérité de l’Évangile 

Son nom est très symbolique. « François » ! En référence à saint François d’Assise. Réformateur, et témoin de la conversion au Christ. François d’Assise n’a eu de cesse de vivre une certaine pauvreté évangélique. Ce frère franciscain avait rêvé d'une église en ruine ; et le pape de l’époque avait rêvé qu’un frère en bure reconstruisait l’église ! Tout un programme pour notre nouveau pape dont le nom, à lui seul, fait déjà office de programme, et de réforme novatrice : jamais un pape n’avait pris ce nom-là !

Chacun y allait de son petit commentaire, quelques jours avant le conclave, mais prenons un peu de recul, maintenant. Dans une période aussi importante, grave, et riche pour l’Église, le pape François nous remet dans le silence de la croix et de la prière ; dans l’humble adoration devant le Christ qui gouverne de toute manière son Église. Nous avons un pape qui nous remettra face à la Croix du Christ et qui nous dira : « Ton péché est là ! et le chemin de ta sainteté aussi. » L’exigence de la vérité et la beauté de la charité.

N’attendons rien des réformes structurelles de l’Église. Elles n’ont jamais précédé la sainteté des fidèles, mais c’est de la sainteté des fidèles que découlent les réformes de l’Église. Et je donnais déjà ce seul exemple : saint François d’Assise n’a pas commencé par faire des communiqués de presse ou des grands articles sur le besoin – réel ! – en son temps  que l’Église s’appauvrisse. Il a commencé par la vivre lui-même et son témoignage de sainteté a converti les cœurs jusque dans les plus hautes sphères ecclésiastiques. Le pape François, à la suite de son saint patron, nous y invite fortement !

Comme l’a signalé l’agence d’information Zenit, « avant de partir à Rome, le cardinal Jorge Maria Bergoglio, devenu le pape François, a invité les Argentins, et plus spécialement les habitants de Buenos Aires à construire, en vue de la Semaine Sainte, une Église aux “portes ouvertes” et qui ne se satisfasse pas des “conformismes” ». Ce soir, il nous montre déjà le chemin du Golgotha et de la Résurrection.

Il avait adressé une lettre début mars à ses diocésains, aux paroisses de la ville dont il était archevêque, et où il était connu pour sa grande simplicité. Cardinal, il se déplaçait habituellement en métro ou en tram, et faisait sa cuisine lui-même. Sa solide expérience pastorale est associée à sa volonté d’énoncer la vérité du Christ de façon claire ! Le site Zenit continue : « À plusieurs reprises, il s’est opposé fortement aux autorités locales sur des questions telles que l'avortement, le mariage homosexuel et la libéralisation des drogues. Il a déploré aussi le “manque d’humilité” des gouvernants. Le cardinal primat d’Argentine a toujours pris une position proche des couches moins favorisées de la société. »

Demandant aux chrétiens de « sortir et de témoigner, de manifester leur souci de leurs frères », il aime à rappeler que l’Évangile « fait de nous des frères, des fils, et non pas des associés d’une ONG ou des prosélytes d’une multinationale » !

Et maintenant ?

Benoit XVI avait raison, en partant dans le silence de sa retraite quasi monacale : « Chers amis ! Dieu guide son Église, la soutient toujours aussi et surtout dans les moments difficiles. Ne perdons jamais cette vision de foi, qui est l’unique vraie vision du chemin de l’Église et du monde. Dans notre cœur, dans le cœur de chacun de vous, qu’il y ait toujours la joyeuse certitude que le Seigneur est à nos côtés, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il nous est proche et nous enveloppe de son amour » (dernière audience de Benoit XVI, le mercredi 27 février 2013).

Et il nous a laissé l’ultime témoignage qui doit habiter tous les cœurs en ce jour : « parmi le collège cardinalice, se trouve également le futur pape, auquel je promets dès aujourd’hui mon respect et mon obéissance inconditionnels » (salut de congé du pape Benoit XVI aux cardinaux présents à Rome, le 28 février 2013).

C’est notre prière et notre disposition de cœur ce jour. Laissons-nous surprendre par la Providence divine !


lundi 11 février 2013

Le Pape se démet



"Frères très chers,  
Je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois canonisations, mais également pour vous communiquer une décision de grande importance pour la vie de l’Eglise. 
Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié.
C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Evêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire."

lundi 4 février 2013

"Vous trouvez ça normal ?"


Le Sénat a adopté le 4 décembre dernier une proposition de loi du parti radical autorisant la recherche sur l’embryon humain. Si le texte est voté dans les mêmes termes par l’Assemblée Nationale, la France basculera d’un principe d’interdiction à un principe d’autorisation : le changement est majeur.


Dans le texte de la loi du 7 juillet 2011, le principe d'interdiction prévaut...

En revanche, dans la proposition de loi adoptée par le Sénat en décembre dernier, le principe d'interdiction bascule vers un principe d'autorisation : le changement est majeur et ne peut être accepté


Il y a urgence : la commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale a désigné mercredi 30 janvier le rapporteur de cette proposition de loi (Dominique Orliac, parti radical). L’examen du texte aura lieu le 28 mars, dans deux mois seulement, à l’Assemblée Nationale.

Vous le savez, la recherche sur l’embryon est inutilement immorale. Immorale car elle détruit l’embryon. Inutile car les cellules souches non-embryonnaires (parmi lesquelles les IPS du Professeur Yamanaka, Prix Nobel de médecine 2012) dépassent aujourd’hui les cellules souches embryonnaires.
Dans ce contexte, la Fondation Jérôme Lejeune a lancé une campagne de mobilisation contre l’autorisation de la recherche sur l’embryon humain (www.vous-trouvez-ca-normal.com). Cette mobilisation doit prendre de l’ampleur pour faire émerger le débat dans la sphère publique. Demain, il sera trop tard.

A la veille de la discussion au Sénat du projet de loi visant à autoriser la recherche sur l’embryon humain, la Fondation Jérôme Lejeune avait lancé une campagne "choc" de communication pour dénoncer ce projet.

Pour tout comprendre des enjeux de la proposition de loi, vous pouvez télécharger la synthèse « 3 clefs pour comprendre et agir » (http://www.fondationlejeune.org/images/documents_pdf/recherche-sur-l-embryon-3-clefs-pour-comprendre-et-agir.pdf).